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La Brocante aux Chimères

22 février 2007

Bestiaire halluciné. 1 - Le lièvre lunaire…

Bestiaire halluciné. 1



Le lièvre lunaire…



Le passant habituel, à la tête maussade,
Ne contemple jamais la lune rousse, car elle s’élève
Sans soupir… Le mystère a ses décrets
Qui évitent au bon sens
De se manifester, fût-ce
Par habitude ou par injonction.

Nous scrutons… Les ombres ne sont pas raisonnables.
Au ciel opaque se profile doucement l’animal fabuleux
Aux pouvoirs éternels…

Le chinois est serein
Et sur l’astre rouillé un rongeur de jade
Étend son reflet mauve comme un augure espiègle.

Nous vacillons dans la nasse des mots
Et les pauvres certitudes des sots querelleurs.

Tu respireras mille ans…
Une soirée de septembre nous nous retrouverons
Sur l’astre enténébré.

Lièvre lunaire, inestimable gardien des âmes
Le jour te voit blanchir… Sur l’horizon immaculé…
Le chinois est heureux…

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22 février 2007

Du Mont János.

Du Mont János.



Train des enfants grinçant sous le ciel de neige
Nez rouge et joues glacées.
L’ouest et décembre se sont estompés
Pour cette fois nous resterons ici.

Dans Buda
Les balcons crâneurs
Qui se penchent sur la rue
Contemplent le ballet, mais se tairont… Toujours…
Le vieux dans l’abribus
Regarde passer sa vie.
Tout est en place rien à redire…

Train des enfants grinçant sous le ciel de cendre
Nez rouge et joues glacées.
Le vent et les souvenirs se sont confondus
Pour cette fois nous resterons ici.

C’est dans Pest endormi qu’il me faudra marcher
Bibliothèque Ervin Szabó
Sous les lambris dorés, je cherche tes empreintes
En vain… Mutisme de la multitude…
Le vieux dans l’abribus soupire…
Une buée légère…
C’est à Kerepesi qu’il te faudra aller
Si tu veux lui parler…
Il ne répondra pas, il ne répond jamais…
Il dort depuis longtemps dans ce jardin fantasque
Au bord d’excentriques allées

Dans Buda
Les balcons crâneurs
Qui se penchent sur la rue
Ecoutent encore un temps les accords de Franz, et se tairont… Longtemps…
Le vieux dans l’abribus
Relis tes mots sculptés… Face au mutisme de la multitude
Attila József… Arpenteur du sensible.

Train des enfants grinçant sous le ciel de neige
Nez rouge et joues glacées.
L’ouest et décembre se sont envolés
Pour cette année, nous partirons d’ici…

22 février 2007

La Brocante aux Chimères - Paul d'Ivoi

La Brocante aux chimères


Paul d’Ivoi








21 février 2007.



Peu importe la ville où survient la rencontre, capitale ou province… Le terroir pourtant, convient davantage pour ce genre de rendez-vous. Les blasés de tous poils se comptent encore sur les doigts de la main et l’on y rencontre, parfois… Une nature humaine heureuse, la catégorie infiniment respectable des naïfs, de ceux dont je me réjouis de faire partie : les extasiés d’un rien, d’un rêve, d’une chimère…

Alors campons le décor… Une boutique pimpante à l’angle de la rue Montempoivre et de la rue du Danger, la ville s’appellerait St-Firmin-Les-Deux-Secrets… Je suis sous l’enseigne au message ésotérique : « Goncourt Capharnaüm ».Lorsque l’on pousse la porte, une clochette aigrelette s’anime, il y a toujours une clochette aigrelette dans les boutiques pimpantes… C’est un ensemble incontournable… C’est l’heure incertaine que l’on appelle midi, le matin s’accroche aux trottoirs de toute sa lumière et l’après-midi pousse le bout de son museau aux détours des terrasses ombragées et populeuses… Il y a de la poudre d’or qui s’élève doucement dans l’espace embaumée, encaustique et vieux papier… Frères jumeaux d’une ambiance surannée… Couple indispensable au bouquiniste, le petit plus… Duo essentiel au décorum, ce que sont arsenic et vieilles dentelles pour le crime suave…

Il est là, perché sur un rayon peint en bleu, légèrement de guingois, on dirait qu’il va tomber… Il m’attendait, je pense, prêt à partir… Sur sa couverture passée, son identité énigmatique se décline : « Le Docteur Mystère ».

Paul d’Ivoi… D’abord Paul d’Ivoi a-t-il existé ? Car il y a eu plusieurs générations d’écrivains d’Ivoi, on était d’Ivoi de Père en fils… Celui qui nous intéresse était pour l’état-civil Paul Deleutre et comme bon nombre de ses confrères de l’époque il fut journaliste pour quantité de feuilles de l’époque. Ses romans sont un peu oubliés à notre époque de haute technologie, et il n’est pas connu comme son modèle Jules Verne, dont il n’a pas la valeur, soyons juste… Là où Jules Verne s’adresse aux premiers de classe, Paul d’Ivoi tente d’intéresser les rebelles du fond de cours. Ceux qui dessinent de fabuleuses aventures dans les marges de leurs cahiers… Les rêveurs du club très fermé des cancres intrépides… Eternels chiches capons auxhorizons téméraires, qui malheureusement vont mourir par milliers dans les tranchées boueuses de l’enfer de 1914-1918…

A l’instar de Gustave Le Rouge, précédemment rencontré, ce qui étonne chez Paul d’Ivoi c’est son aptitude à mettre en scène la science et l’ésotérisme le plus débridé, l’engin à vapeur du docteur Mystère et ses pouvoirs brahmaniques… (La fin du 19ème siècle était férue de culture orientale et indienne, ne l’oublions pas…).

Paul d’Ivoi a exploité le succès des voyages extraordinaires de Verne en créant les voyages excentriques, comme chez son maître sa fascination pour la modernité est mêlée d’angoisse et de peur : des engins volants sèment la mort par des nuages réfrigérants (les dompteurs de l’or, manipulation du climat (déjà….) dans Les Semeurs de glace, etc.….

Dans l’Aéroplane fantôme des Allemands menacent de voler les plans d’un avion spectaculaire capable de détruire tout sur son passage… Il faut signaler que ces ouvrages sont à remettre dans leur contexte historique sous peine de « pâmoison correctement politique… » les récits sont souvent nationalistes, à la limite du bellicisme, les méchants sont toujours soit des Allemands, soit des habitants de la « perfide Albion », les américains sont grossiers et matérialistes, et ne parlons pas des nations qui étaient qualifiées de « primitives » à l’époque… Mais loin du tumulte bien souvent très hypocrite de nos « modernes penseurs », il faut dire que l’époque se prêtait à ce genre d’écrit. Même mon inestimable Dickens s’est livré à cet exercice choquant pour nos sensibilités actuelles, souvenez-vous de ce redoutable portrait du vieux Fagin dans Oliver Twist… Il faut simplement nous dire que la littérature est comme la nature, elle n’est ni compatissante, ni cruelle, elle existe… Tout simplement… Et malgré le fait que ce soit devenu pratique courante, il ne faut pas enlever les mots de leurs contextes historiques sous peine de fausser l’histoire elle-même….

Alors retrouverons-nous un jour Lavarède ou le Docteur Mystère ? Peut-être bien par le biais de ce genre particulier de Science Fiction qu’est le Steampunk… Dans une limite restreinte, le Steampunk n’est qu’une imitation de l’anticipation du 19ème siècle et une mise en scène de gadgets technologiques anachroniques, exercice de style mêlant des personnages historiques réels et des héros de romans populaires… L’époque ne s’y prête peut-être déjà plus… Avec notre manie de vouloir tout expliquer, n’avons-nous pas tué la poésie du fantastique ? Brian Aldiss qui a revisité le mythe de Frankenstein dit que la science en privilégiant l’intellect a assassiné les anciens mythes. Se faisant, elle a créée ses propres mythes en les fondant non sur l’être mais sur la raison scientifique agissante. En voulant contrôler trop, nous avons perdu le contrôle de nous-mêmes… Mais ne nous éloignons pas trop… Il nous reste les brocantes à chimères et leurs innombrables secrets…

Mon butin sous le bras, je repousse le bec de canne du « Goncourt Capharnaüm », dans la douceur de l’après-midi je m’éloigne lentement, avec dans les oreilles le son aigrelet, le tintement éternel d’une clochette de légende…



Amitiés

Pascal Dufrénoy, chaland perpétuel de la brocante aux chimères.images

22 février 2007

La Brocante aux Chimères - Gustave le Rouge

La brocante aux chimères…
Gustave Le Rouge


Le 16 février 2007.

Qui n’a jamais cédé aux charmes des boîtes de bouquinistes ? Au cours d’une flânerie parmi les braderies de l’été, le long d’un quai… Ballades nostalgiques au creux des « cimetières de papier »… Mais le terme de nécropole n’est guère approprié, il me plaît de penser qu’il s’agit plutôt de mystérieux mausolées, mastabas énigmatiques où des milliers de pages dorment d’un œil, attentives à ce qu’on les remarque…
Ces excursions pour ceux qui comme nous nous mêlons d’écriture constituent également une belle leçon de modestie… Comme d’anciens navires qui bourlinguèrent sur tous les océans du monde voilà le dernier lieu où s’échouent nos idées, nos élucubrations et nos rêves… Le temps nivelle tout et surtout nos idéaux et nos rêves de reconnaissance, foin des lumières de la célébrité… La boîte des bouquinistes, le panthéon des rêveurs…
Mais le métier de bouquiniste mène à tout et, parfois singulièrement à celui d’écrire, qui connaît la fameuse série de Claude Izner sur les enquêtes de Victor Legris ne me contredira pas… Derrière ce nom d’auteur se cachent deux sœurs qui furent bouquinistes, comme quoi, l’influence de ses objets magiques que sont les livres perdure dans le temps…
Un arrêt… Un regard… Nous feuilletons l’ouvrage défraîchi, et déjà, le vieux livre est ouvert et recommence l’aventure oubliée, les personnages en léthargie dans nos mémoires affairées s’éveillent pour de nouvelles péripéties, expéditions jaunies à l’odeur indéfinissable… Celle des bibliothèques de communales… Le parfum des années écoulées…
Aussi ces chroniques intemporelles, c’est tellement beau et rare l’intemporalité…. Permettront de retrouver des auteurs connus ou inconnus des lecteurs et surtout des éditeurs, manipulateurs de médias avides de sensationnel, aussi vite monté en épingle que déjà oublié… Gustave Le Rouge ouvre ce bal des délires. Bienvenu à lui à la brocante aux chimères…
En ce début du 20è siècle, Le Rouge fut un polygraphe, auteurs de nombreux livres dans tous les genres, poésies, romans de cap et d’épée et surtout l’un de ces auteurs prolifiques de feuilletons pour les journaux parisiens, Ah ! L’âge d’or de la presse… Loin d’Internet, la joie simple de retrouver son feuilleton quotidien… Monté à Paris pour ses études, ce fils de la bourgeoisie fait tous les métiers pour se consacrer à sa passion : Ecrire…
Mais arrêtons là, sa biographie… Le trésor de papier découvert dans une obscure boutique se compose de deux tomes : Le prisonnier de la planète mars et la guerre des vampires… On ne peut résumer ce délire insensé qui laisse au rancard les plus inconcevables projets des Spielberg et autres Tim Burton, d’ailleurs Gustave Le Rouge adapté par Tim Burton, voilà qui serait intéressant… Il serait fastidieux d’énumérer l’œuvre de Le Rouge, créateur du mystérieux et diabolique Docteur Cornélius, l’inventeur de la « carnoplastie », précurseur des marchands de rêves que sont les chirurgiens esthétiques…. Depuis quatre-vingts ans, les admirateurs de G. Le Rouge tiennent Le prisonnier de la planète Mars (et sa suite, La guerre des Vampires) pour son chef-d’œuvre. C’est aussi certainement le plus bizarre de tous les romans inspirés par la planète rouge. Grâce à l’énergie psychique dégagée par plusieurs milliers de fakirs rassemblés dans un monastère de l’Inde, Robert Darvel est projeté sur Mars. Il y découvre une vérité interplanétaire : la race la plus civilisée est la plus cruelle. Sur cette planète hallucinée, où la vie est un cauchemar à peine interrompu par le jour, les humains servent de cheptel à leurs maîtres, les vampires. Lesquels rendent le même service aux plus raffinés et aristocratiques d’entre eux : des pieuvres volantes, géniales et invisibles. Mais les Invisibles eux-mêmes tremblent devant le mystère caché par la montagne de cristal…
Belle préfiguration de ce qu’est devenue notre civilisation, vous ne trouvez pas ?
À l’opposé d’un Jules Verne qui a pour seule ambition d’écrire le roman de la science – et parfois celui de la géographie – Tout comme Alexandre Dumas écrit celui de l’Histoire. Le but de Gustave Le Rouge est plus insondable et plus obscur… Il met à en jeu la mode de l’ésotérisme qu’adopte l’intelligentsia de la Belle époque… Ses délires firent de Gustave Le Rouge un auteur reconnu par les surréalistes entre les deux guerres… Il fut l’ami de Verlaine et de Blaise Cendrars qui en parle dans son ouvrage « L’Homme foudroyé » de manière littéraire, il est vrai…
À notre époque où l’on est effrayé pour la moindre fantaisie, peurs orchestrées par les différents pouvoirs en place ou passés… En ce début de 21ème siècle où le lissage permanent des émotions et des cultures est devenu un mot d’ordre devant l’absolutisme du « politiquement correct », je reste confondu devant l’extravagance et la fantaisie des auteurs « populaires » de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème, il est vrai que nous confondons maintenant populaire et populisme et c’est un grand tort….
À noter que certaines petites maisons d’édition relèvent le défi fou de rééditer occasionnellement d’anciens romans d’auteurs oubliés, c’est le cas depuis janvier pour les aventures du docteur Cornélius… Merci à eux, ils nous montrent que tout n’est pas perdu…
Voilà pour ce jour, la flânerie est terminée, mais les beaux jours vont bientôt revenir et avec eux les braderies et les foires aux vieux papiers… De quoi alimenter la brocante aux chimères, notre goût pour la singularité et nos envies d’ailleurs…
Bien des aventures nous attendent, et comme j’habite tout au nord de ce vieux pays dans ces Flandres françaises habitées par le fantastique et le merveilleux, compter sur votre serviteur pour continuer ces pérégrinations sur la ligne ténue qui sépare l’irrationnel du quotidien…
Amitiés
Pascal Dufrénoy, chaland de la boîte aux chimères….
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La Brocante aux Chimères
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